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- Chaos Digest Lundi 11 Janvier 1993 Volume 1 : Numero 2
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- Editeur: Jean-Bernard Condat (jbcondat@attmail.com)
- Archiviste: Yves-Marie Crabbe
- Co-Redacteurs: Arnaud Bigare, Stephane Briere
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- TABLE DES MATIERES, #1.02 (11 Janv 1993)
- File 1--Virus, les Implications Legales
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- Condat,
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- From: Maitre Olivier ITEANU, Avocat a la Cour d'Appel de Paris
- Date: Mon Nov 4 12:16:00 EDT 1992
- Subject: File 1--Virus, les Implications Legales
- Copyright: Avec l'aimable autorisation de l'auteur
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- "Les virus informatiques existent: il ne s'agit pas d'OVNI, il s'agit de la
- vie,
- de la chair et du sang de nos ordinateurs".
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- La violence des propos tenus dans le livre de Richard B. LEVIN, "The computer
- virus handbook", illustre parfaitement l'attitude generalisee constatee,
- dans les societes industrialisees, a l'encontre de ce nouveau mal du 20eme
- siecle, le virus informatique.
-
- Le virus informatique fascine. L'identite terminologique avec le virus
- biologique, qui fait que les termes medicaux abondent en la matiere--on evoque
- ainsi regulierement, a propos des virus informatiques, les "infections", les
- "vaccins" ou "antidotes", certaines grandes entreprises evoquant meme a propos
- des mesures de securite "des mesures d'hygiene"--est sans doute une des
- explications de cette fascination, repercutee et amplifiee par les medias.
-
- Le virus informatique fascine tous les agents economiques de notre societe,
- des
- developpeurs de logiciels aux utilisateurs en passant par les editeurs, tant
- les individus que les entreprises, et les moyens de defense pour le combattre
- sont avant tout techniques, avec au premier rang, les anti-virus.
-
- Existe t'il cependant une reponse juridique a la propagation des virus
- informatiques? Quelles sont les consequences juridiques, les implications
- legales, de la diffusion d'un virus? Le porteur sain, celui qui transmet un
- logiciel infecte en toute bonne foi, verra t'il sa responsabilite engagee?
-
- Telles sont, en substance, les principales questions auxquelles nous allons
- tenter de repondre, aux vues du droit positif francais et, notamment, des cas
- juges interessant la fraude informatique et les virus.
-
-
- 1. QUELLE REACTION LEGALE FACE AU VIRUS INFORMATIQUE?
-
- 1.1 Droit civil / droit penal
-
- Dans un Etat de droit, notamment en France, la societe et les individus qui la
- composent, disposent toujours, lorsqu'ils subissent une atteinte a leurs biens
- ou a leur personne, d'une alternative entre la voie penale et la voie civile
- pour obtenir la condamnation du coupable et une eventuelle reparation.
-
- Les deux voies, ou plutot les deux droits, civil et penal, different
- fondamentalement quant a l'objectif recherche.
-
- Le droit civil a un caractere strictement compensatoire puisqu'il regit les
- interets prives et organise la reparation des prejudices individuels subis par
- les individus ou sujets de droit.
-
- Le droit penal, au contraire, defend l'ordre social, la societe, et expose,
- celui qui a commis l'acte, a une peine ou a une mesure de surete.
-
- C'est le droit penal qui precise les elements, legal materiel et moral, dont
- la
- reunion est indispensable pour qu'une infraction soit legalement constituee.
-
- En France, la classification des infractions est fondee sur la rigueur de la
- peine et non sur la gravite de l'acte.
-
- L'infraction est, soit une contravention si elle est punie d'une peine
- contraventionnelle, soit un delit si elle est punie d'une peine
- correctionnelle,
- soit un crime si elle est punie d'une peine de reclusion a perpetuite ou a
- temps, de detention criminelle ou a temps, d'un bannissement ou de la
- degradation civique.
-
- Chaque infraction a son Tribunal: le Tribunal de Police pour les
- contraventions,
- le Tribunal correctionnel, compose de magistrats professionnels, pour les
- delits, la Cour d'assise, composee d'un jury populaire, pour les crimes et la
- procedure prealable au jugement, devant ces Tribunaux, differe selon le type
- d'infractions.
-
- Ainsi, l'instruction, phase au cours de laquelle le juge dit d'instruction
- rassemble les preuves de l'infraction, est obligatoire pour les crimes,
- facultative pour les delits, a la seule requete du Procureur de la Republique
- pour les contraventions.
-
- Enfin, le fond des regles de droit differe selon le type d'infractions. C'est
- ainsi, que, par exemple, la complicite est toujours punie en matiere de crime
- et de delit, jamais en matiere de contravention. La tentative est toujours
- punie
- en matiere de crime, lorsque la loi le prevoit expressement en matiere de
- delit,
- jamais en matiere de contravention.
-
- La diffusion de virus peut-etre source de responsabilite civile et penale,
- dans
- des conditions que nous allons ci-apres exposees.
-
- 1.2 Pas de sanctions penales sans textes
-
- En France, le droit penal est gouverne par, notamment, un principe
- fondamental,
- le principe de la legalite des delits et des peines qui fait de la loi un
- element de l'infraction.
-
- En application de ce principe, un acte ne peut etre penalement reprime s'il
- n'est deja vise et sanctionne par une loi penale existante.
-
- Le droit francais differe ici fondamentalement du droit anglo-saxon et de la
- "common law" qui confere au juge un pouvoir createur.
-
- En France, il ne peut y avoir de sanctions penales sans textes deja existant
- au
- moment de la commission de l'infraction.
-
- De meme, un acte contraire a l'ordre social, non prevu par la loi, n'est pas
- punissable par voie d'analogie avec un acte similaire ou identique, comme dans
- certaines autres legislations penales comme la loi Danoise (Code Penal Danois
- de 1930, article 1).
-
- Ce principe doit conduire le legislateur a anticiper les nouveaux actes anti-
- sociaux puisque, de surcroit, en vertu du principe de non retroactivite de la
- loi, le texte repressif doit exister au moment de la commission de
- l'infraction.
-
- Avec un tel systeme, les risques "d'accidents", du fait d'un vide juridique,
- sont toujours possibles.
-
- C'est ainsi qu'en 1987 et 1988, cinq directeurs de services telematiques
- (minitels) offrant chacun un service de messageries interactives dites "roses"
- aux minitellistes, promotionnes a grand renfort de publicite, furent
- poursuivis
- et inculpes par un juge d'instruction, pour "incitation a des occasions de
- debauche". Or, la 17eme chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance
- de PARIS ne put que constater l'absence de textes legaux reprimant ce type de
- comportement, au moment de la commission des actes, et relaxa, en consequence,
- les prevenus par une decision datee du 4 juillet 1988. Le jugement fut
- confirme par la Cour d'Appel de PARIS.
-
- Pour combattre penalement les virus informatiques il convenait alors que des
- textes repressifs soient votes.
-
- Face au peril que represente les virus informatiques, et plus generalement la
- fraude informatique, le legislateur francais a choisi tres vite de proteger la
- societe et son ordre social en dotant le Code Penal de nouveaux textes
- repressifs charges de punir, notamment, les auteurs de virus dans certains de
- leurs comportements.
-
- C'est la loi du 5 janvier 1988, qui ajoute au Code Penal existant huit
- nouveaux
- articles, numerotes #462-2 a #462-9.
-
-
- 1.3 La loi du 5 janvier 1988, sur la fraude informatique
-
- La Loi du 5 janvier 1988 sur la fraude informatique, dite loi "Godfrain", du
- nom
- de son initiateur, le depute de l'Aveyron, Monsieur Jacques GODFRAIN, s'est
- fixee pour objectif de reprimer specifiquement les agissements portant
- atteinte
- aux systemes informatiques, pris au sens large du terme.
-
- Cette loi ajoute au Code Penal napoleonien de 1810, huit nouveaux articles,
- dont
- trois en particulier peuvent concerner les virus.
-
- Article #462-2 du Code Penal:
- Cet article du Code Penal sanctionne l'intrusion dans un systeme informatique,
- c'est a dire l'acces indu, sur la machine ou a distance, et le maintien indu
- dans le systeme, prolongement de l'acces indu ou maintien frauduleux apres
- acces
- par erreur ou maintien dejouant les controles pour ne pas payer le prix par
- exemple.
-
- Les peines encourues, pour ce type d'infraction, sont de deux mois a un an
- d'emprisonnement et/ou une amende de 2.000 F a 50.000 F, portees a une amende
- de 10.000 F a 100.000 F et a un maximum d'emprisonnement de deux ans, en cas
- de
- suppressions ou de modifications de donnees.
-
- Les suppressions ou modifications de donnees visees par l'article #462-2 sont
- la
- consequence de l'acces ou du maintien indu et sont ici entendues comme etant
- des
- atteintes involontaires aux donnees.
-
- Si ces suppressions ou modifications etaient volontaires, il conviendrait de
- faire application des articles #462-3 et #462-4 du code Penal.
-
- Article #462-3:
- "Quiconque aura, intentionnellement et au mepris des droits d'autrui, entrave
- ou fausse le fonctionnement d'un systeme de traitement automatise de donnees
- sera puni d'un emprisonnement de trois mois a trois ans et d'une amende de
- 10.000 F a 100.000 F ou de l'une de ces deux peines."
-
- C'est, de maniere evidente, ce texte qu'il convient d'appliquer pour toutes
- les
- interferences imaginables qui peuvent affectes un systeme informatique, et
- notamment, l'insertion de bombes logiques ou, bien evidemment, l'insertion de
- virus.
-
- Le virus, en effet, "par essence" entrave et meme plutot fausse, c'est a dire
- une action positive, le fonctionnement des systemes qu'il incorpore.
-
- Article #462-4:
- Cet article traite, quant a lui, des atteintes aux donnees.
-
- Il faut noter que de nombreux commentaires de la loi mettent l'accent sur le
- fait que cet article se chevauche avec le precedent, puisque le fait de porter
- atteinte aux donnees participe, indiscutablement, d'une operation tendant a
- entraver ou, plutot, fausser le fonctionnement du systeme.
-
- Les deux articles, #462-3 et #462-4, sont sanctionnes des memes peines
- d'emprisonnement.
-
- La encore, le cas des virus peut etre traite par l'article #462-4.
-
-
- 1.4 Les regles de la responsabilite civile de droit commun
-
- Tout delit penal est un delit civil: le contraire n'est pas forcement vrai.
-
- En application de dispositions fondamentales du code civil, les articles 1382
- et 1383 du code Civil, la responsabilite civile de toute personne peut etre
- engagee si trois conditions sont remplies:
- - un prejudice subi par la victime,
- - une faute de l'auteur du delit civil,
- - un lien de causalite entre le prejudice subi et la faute.
-
- Rapporte au virus informatique, il est des lors evident que l'ensemble des
- actes vises par la loi penale peuvent donner lieu a action civile devant les
- Tribunaux, autonome ou jointe a l'action penale.
-
-
-
- 2. LES VIRUS SOUS LE COUP DE LA LOI PENALE?
-
- Comme il a ete vu ci-avant, certains agissements relatifs aux virus sont punis
- comme etant des actes criminels.
-
- Il s'agit desormais de comprendre dans quelles conditions.
-
- Le crime, au sens large du terme, se definit comme etant l'action ou
- l'omission
- d'un individu, qui, a raison du trouble qu'elle cause a l'ordre social, est
- frappee par la societe d'une sanction penale.
-
-
- 2.1 L'individu: la typologie des delinquants
-
- Le crime est une realite humaine.
-
- Ce rappel est d'autant plus important que, s'agissant des virus, l'imagerie
- populaire, traduite en cela par les medias, occulte totalement l'auteur du
- virus pour ne retenir que son instrument, le programme d'ordinateur baptise
- virus, ses performances et ses caracteristiques, .
-
- Or, bien combattre un acte antisocial, c'est avant tout bien comprendre ses
- causes et les causes de la criminalite relative aux virus se trouvent en
- l'homme.
-
- On distingue habituellement, d'une part, les facteurs interieurs a l'individu,
- dits endogenes, avec les caracteres dits innes (l'heredite, le sexe ... etc)
- qui, dans le cas des virus, ne semblent pas determinants.
-
- D'autre part, les facteurs exterieurs a l'individu, dits exogenes, tels le
- milieu (geographie, climat, etc.), la demographie (la criminalite des villes
- n'est pas celle des campagnes), la situation familiale, la situation
- economique
- et, enfin, l'influence du milieu social et culturel avec l'echelle des valeurs
- sociales qu'il implique, lesquels facteurs jouent, s'agissant des virus
- informatiques, un role bien plus importants.
-
- La typologie des delinquants, auteurs de virus, est, en l'absence d'une
- criminalite legale, c'est a dire jugee par les Tribunaux, difficile a brosser.
-
- L'on peut cependant, sans hesitation, affirmer que, pour l'entreprise, le
- premier danger vient de l'interieur.
-
- - Le salarie: ca n'est ici une nouveaute pour personne. Le salarie, ou plus
- generalement l'employe mecontent, pourra etre tente d'avoir recours au virus
- pour assouvir une vengeance ou une frustration. Il est parfois, de plus, le
- mieux place pour detourner les mesures de securite mises en place.
-
- Plus generalement, le virus, et ses effets massivement destructeurs, est une
- aubaine pour les psychopathes en tout genre nourris d'une rancune globale
- contre
- la societe.
-
- - Les clubs informatique: par le passe, les clubs informatiques se sont
- reveles
- parfois etre des createurs et diffuseurs de virus.
-
- C'est ainsi que le "Chaos computer club" (CCC) de Hambourg a realise en 1988
- un
- kit de virus pour ATARI ST.
-
- Dans la meme categorie de delinquant, peuvent etre egalement classes les
- etudiants surdoues jeunes genies de l'informatique en tout genre, aux
- motivations essentiellement ludiques. Ceux la font regulierement la une des
- medias.
-
- - Concurrents: la concurrence dans le commerce se doit d'etre loyale. Ce
- principe tout theorique souffre malheureusement d'exceptions quotidiennes qui,
- pour une large part, sont traitees par les Tribunaux.
-
- L'espionnage industriel, le sabotage ou la desorganisation du concurrent
- pourraient tres bien etre le fait d'un virus informatique.
-
- Terrorisme et activisme politique: enfin, l'interet porte par des services de
- contre espionnage, comme en France la DST, montre que le virus peut etre
- egalement une arme politique tournee contre les Etats. Le virus Jerusalem
- etait
- par exemple destine a entrer en action le jour de la proclamation de la
- creation
- de l'Etat d'Israel.
-
-
- 2.2 L'action ou l'omission contraire a l'ordre social et causant un trouble
-
- C'est le pouvoir legislatif qui decide souverainement du caractere antisocial
- d'un fait.
-
- S'agissant des virus, le legislateur francais a decide que l'acces ou le
- maintien indu dans un "systeme de traitement automatise de donnees", l'entrave
- au fonctionnement, l'introduction de donnees, etaient des actes anti-sociaux.
-
- Rapporte aux virus, quelle est la traduction des textes.
-
- - ecrire un virus:
-
- Ecrire un virus informatique, c'est ecrire un programme d'ordinateur. Aux
- termes
- des lois francaises sur la propriete litteraire et artistique du 11 mars 1957,
- modifiee par la loi du 3 juillet 1985, codifiee par une loi du 1er juillet
- 1992 au sein du Code de la Propriete intellectuelle, un logiciel est une
- oeuvre de l'esprit protegee comme telle, dans sa forme, par le droit d'auteur.
-
- L'auteur, qui peut donc se prevaloir d'un monopole d'exploitation qui lui est
- confere par la loi, est la personne physique qui a fait acte de creation.
-
- Les salaries, quant a eux, lorsqu'ils ont agi dans l'exercice de leurs
- fonctions, deferent leurs droits d'auteur au profit de l'employeur.
-
- Ces regles ont ete grandement confirmees au niveau de la communaute
- europeenne,
- par une directive du Conseil des Communautes europeennes datee du 11 mai 1991,
- qui devrait etre prochainement transcrite en droit francais.
-
- On peut affirmer que la simple ecriture d'un virus, "dans son coin", n'est pas
- en soi un acte reprehensible et passible des sanctions penales edictees par la
- loi du 5 janvier 1988.
-
- Bien evidemment, cet acte de creation ne doit pas etre un acte preparant
- l'execution materielle d'une infraction, au quel cas l'auteur du virus
- pourrait
- etre poursuivi comme complice ou meme co-auteur de l'infraction s'il est juge,
- en fonction du cas d'espece, que l'auteur du virus a pris une part principale
- et directe a la commission de l'infraction.
-
- - introduire un virus dans un systeme automatise de traitement de donnees:
-
- Comme il a ete vu ci-avant, le simple acces ou maintien indu, dans un systeme
- informatique, peut donner lieu a application de la loi penale (article #462-2
- du code Penal).
-
- A fortiori, si cette intrusion aboutit a entraver ou fausser le fonctionnement
- du systeme, a porter atteinte aux donnees la loi penale s'appliquera.
-
- La loi penale, dans tous les cas, s'appliquera qu'il y ait ou non destruction
- de donnees, que le virus ait ete ou non en action, que le systeme soit pourvu
- ou non d'un systeme de securite.
-
- Egalement, comme il sera expose ci-apres, la simple tentative d'introduction
- d'un virus sera punissable.
-
- - publier les codes source d'un virus:
-
- Cette hypothese n'est pas theorique, elle revet meme un caractere d'actualite
- brulante.
-
- On annonce, en effet, la parution imminente, en France, de la traduction
- francaise du "Black Book of Computer Virus" de Marc Ludwig. Ce livre
- permettrait
- au commun des informaticiens de realiser, sans difficulte, un virus et
- l'activer
-
-
- Un certain nombre d'ouvrages de ce type sont deja parus en France, comme
- "virus,
- la maladie des ordinateurs" de Ralf Burger ou "virus protection, Pc et
- compatibles" de Pamela Kane.
-
- Dispose t'on d'un recours juridique contre cette future parution ?
-
- Dans un tout autre genre, en 1986, la publication, en France, d'un ouvrage sur
- le suicide intitule "suicide, mode d'emploi", avait emu l'opinion publique du
- jour ou il aurait ete etabli qu'il aurait servi de support a un certain nombre
- d'agissements commis par des desesperes.
-
- Or, l'arsenal repressif francais, en 1986, ne disposait pas des moyens legaux
- pour s'opposer a une telle parution. Il aura fallu la promulgation d'une loi
- speciale, la loi n! 87-1133 du 31 decembre 1987, qui reprime le delit de
- provocation au suicide en un nouvel article #318-1 du code Penal, pour que
- l'interdiction de la parution de cet ouvrage soit serieusement envisagee bien,
- qu'a ce jour, elle n'ait jamais ete ordonne.
-
- - diffuser un virus de bonne foi:
-
- Comme tout logiciel, le virus connait dans sa vie deux phases successives
- essentielles: la phase de creation et la phase de communication de la creation
- au public.
-
- Dans sa phase de communication au public, le virus pourra etre concede ou cede
- avec le programme qu'il aura contamine.
-
- Le cedant ou concedant sera alors un diffuseur du virus de "bonne foi".
-
- Encoure t'il alors une sanction?
-
- Sur le plan penal, seul l'auteur du virus et ses complices eventuels seront
- sanctionnes. Le diffuseur ne sera donc pas inquiete sous reserve que ses
- agissements ne caracterisent la complicite.
-
- Sur le plan civil en revanche, s'il est prouve que le diffuseur a, en
- l'occurrence, fait preuve de negligence, en ne s'assurant pas, par exemple de
- la presence eventuelle d'un virus, il pourra encourir une responsabilite
- civile.
-
- Les professionnels, entre eux, pourront toujours contractuellement limites,
- voire exclure, leur responsabilite civile.
-
- En revanche, vis a vis des utilisateurs/consommateurs, le professionnel ne
- pourra exclure sa responsabilite civile et il devra, en consequence, faire
- montre de la plus grande prudence.
-
-
- 2.3 les sanctions
-
- Sur le plan penal, l'echelle des peines est elevee puisque la peine
- d'emprisonnement maximale, pouvant etre prononcee, peut etre portee a trois
- ans
- si le fonctionnement du systeme est entrave ou fausse ou si des donnees ont
- ete
- introduites.
-
- Le Tribunal peut, en outre, prononcer la confiscation des materiels ayant
- servi
- a commettre l'infraction (article #462-9 du Code Penal).
-
- Sur le plan civil, la sanction consistera en la reparation du prejudice subi
- par la victime.
-
-
- 3. L'ABSENCE DE REACTION SOCIALE FACE AU VIRUS
-
- 3.1 Les chiffres de la criminalite informatique:
-
- On distingue habituellement la criminalite reelle, c'est a dire celle
- effectivement commise dans une periode donnee, de la criminalite apparente,
- c'est a dire celle traitee par la police ou decelee, et de la criminalite
- legale c'est a dire celle ayant donne lieu a condamnation par les Tribunaux.
-
- En 1981, la totalite des plaintes et proces verbaux recus par les Parquets
- s'elevaient a plus de quinze millions.
-
- Pres d'un tiers de ces plaintes ou proces verbaux ont ete classes sans suite,
- un peu moins de deux tiers de celles-ci sont des contraventions portees devant
- le Tribunal de Police, seules un vingtieme de celles-ci ont ete deferees aux
- juridictions criminelles ou correctionnelles et certaines de celles-ci ont
- parfois donne lieu a relaxe ou acquittement.
-
- En informatique, selon le Club de la securite informatique (CLUSIF), qui fonde
- ses chiffres sur les sinistres declares par les entreprises francaises aupres
- de leurs compagnies d'assurance, les pertes des entreprises, en 1991, dues a
- l'informatique s'eleveraient a pres de 10,4 milliards de francs. Sur cette
- somme, les pertes dues aux malveillances representeraient pres de 6 milliards
- de francs de pertes, soit 57% des pertes totales. Le chiffre relatif aux
- pertes
- dues au virus informatique est, sur ce chiffre, difficile a etablir.
-
- En tout etat de cause, selon une etude recente publiee par un journaliste
- francais, les chiffres des pertes dues a l'informatique devraient augmenter
- d'ici l'an 2005 de pres de 2 a 3,3 fois et les pertes consecutives a
- l'introduction de virus devraient etre les plus galopantes.
-
- Or, en depit de ces chiffres d'une grande importance, qui ne representent
- pourtant qu'une partie de la criminalite reelle relative a l'informatique,
- tous
- les sinistres n'etant pas declares notamment par les particuliers, le nombre
- de
- saisine des Tribunaux est infime, voie quasi inexistant.
-
-
- 3.2 L'explication du phenomene:
-
- L'explication la plus couramment avancee en est que les entreprises rechignent
- a devoiler leurs faiblesses en les portant sur la place publique par une
- plainte
- ou toute autre procedure traitee devant les Tribunaux en audiences publiques.
-
- Il est une seconde explication moins souvent invoquee qui me semble etre tout
- aussi serieuse pour expliquer le petit nombre de poursuites engagees. Cette
- explication tient en la nouveaute de la legislation existante: le dispositif
- repressif etant des plus recents, le corps social ne dispose pas encore du
- reflexe repressif.
-
- Enfin, la mediatisation a outrance du crime informatique est aussi
- l'explication
- du phenomene. Les medias ont regulierement valorise le delinquant mettant
- l'accent sur le caractere intelligent des actes commis. Il est cependant du
- plus
- grand interet de rappeler que, s'agissant des virus, ceux-ci sont en constante
- evolution. Leur caractere destructeur et, depuis peu, furtif, tend a prouver
- que
- la delinquance evolue et perd son caractere sympathique.
-
-
- 3.3 Deux illustrations:
-
-
- Ministere Public /B & T: Decision inedite
-
- Messieurs B & T sont coauteurs d'un logiciel standardise permettant la gestion
- de stocks de medicaments au sein de cliniques et hopitaux.
-
- Messieurs B & T ont confie l'edition et la diffusion de leur creation a un
- editeur du sud de la France.
-
- Un litige survint avec l'editeur qui eut pour consequence de couper les
- auteurs
- de la cinquantaine de cliniques utilisatrices de leur produit.
-
- Or, pour se premunir contre le risque d'appropriation de leur creation, les
- auteurs auraient insere, dans le programme d'origine, deux sous-programmes,
- qu'ils auraient denommes PIEGE et DEPIEGE, qualifies par le Tribunal
- "d'infection informatique a declenchement differe", c'est a dire constituant
- une bombe logique.
-
- A une date donnee, les sous-programmes devaient entrer en action pour bloquer
- les systemes equipes du logiciel.
-
- Par une manipulation simple, executee a distance par telephone, en activant le
- programme DEPIEGE, les utilisateurs pouvaient debloquer leur systeme.
-
- Sur plainte simple de l'editeur du logiciel, par ailleurs en litige commercial
- avec les auteurs, le Tribunal correctionnel de CARCASSONNE, sans instruction
- prealable, a juge cette affaire en novembre 1991 et un jugement a ete rendu en
- janvier 1992, condamnant les auteurs, en application de l'article #462-3 du
- Code
- Penal, pour entrave au fonctionnement d'un systeme de traitement automatise de
- donnees. Les auteurs ont ete condamnes a payer chacun, la somme de 50.000 F
- d'amende.
-
- Surtout, il a ete frappant de constater que sur la cinquantaine de cliniques
- touchees par la bombe logicique, aucune n'a porte plainte ni meme ne s'est
- constituee partie civile a l'audience.
-
-
- L'affaire SOFT & MICRO
-
- Dans cette affaire, un magazine de la presse informatique diffusait en mai
- 1991
- un numero accompagne d'une disquette gratuite stockant un logiciel de gestion.
-
- Il devait s'averer, par la suite, que la disquette etait infectee du virus
- FRODO
- 4086.
-
- L'affaire n'est pas encore jugee mais des a present, l'on peut constater que
- sur
- des milliers de lecteurs, dont certains n'ont sans doute pas manque d'executer
- le logiciel contamine, deux seulement ont porte plainte.
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- 4. MISE EN PLACE D'UNE POLITIQUE JURIDIQUE DE LUTTE CONTRE LES VIRUS AU SEIN
- DE L'ENTREPRISE
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- 4.1 La formation du personnel
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- La lutte contre les virus passe obligatoirement par la mise en place, au sein
- des entreprises, d'une politique coherente de securite face au risque
- informatique.
-
- Cette politique coherente doit etre orientee vers l'homme, facteur de risque
- numero un.
-
- Aussi, la reponse passe, notamment, par une bonne formation du personnel qui
- devra etre rompu aux questions juridiques relatives aux virus.
-
- Les textes repressifs existent, ils fixent la norme au dela de laquelle un
- acte
- sera considere comme antisocial et susceptible d'etre reprime: c'est ici le
- caractere preventif des textes qui doit etre mis en avant.
-
- Les salaries doivent egalement connaitre les droits des entreprises et la
- procedure a suivre en cas de survenance d'un virus: ils devront avoir
- parfaitement conscience du fait que cette question peut egalement avoir pour
- l'entreprise, une reponse juridique.
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- 4.2 Une reaction sociale vigoureuse
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- La question des virus n'est pas une question ineluctable et les entreprises ne
- sont pas condamnees a attendre de pied ferme, l'eventuelle attaque d'un virus.
-
- La meilleure reponse defensive consiste a reagir avec vigueur a toute
- agression
- ou tentative d'agression exterieure.
-
- En effet, les textes repressifs francais, la loi du 5 janvier 1988, permettent
- a l'agresse de reagir judiciairement en cas d'attaque manquee et meme de
- simple
- tentative.
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- L'article #462-7 du Code Penal dispose que "la tentative des delits prevus
- (...)
- est punie des memes peines que le delit lui meme".
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- Aussi, en cas de simple tentative d'intrusion d'un virus, l'agresse pourra
- t'il
- porter plainte aupres du Parquet, lequel dispose de moyens d'investigations
- tres
- etendus devant lui permettre de retrouver la trace du delinquant.
-
- La question des virus a une reponse juridique, c'est une certitude et personne
- ne pourra pretendre qu'il existe, a ce jour, en la matiere, en France, un vide
- juridique.
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- La reponse juridique est encore peu usitee par les victimes de virus, parce
- qu'elle est crainte ou peu connue.
-
- En depit de ce relatif succes, le legislateur francais a confirme sa volonte
- de
- sanctionner de tels agissements.
-
- C'est ainsi que le nouveau Code Penal qui, selon les plus optimistes, devrait
- entrer en application en avril 1993, a repris pour l'essentiel la loi Godfrain
- du 5 janvier 1988, pour la completer meme par de nouvelles infractions
- relatives
- aux systemes informatiques.
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- Il ne tient donc plus, desormais, qu'aux sujets de droit, de faire valoir
- leurs
- droits.
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- End of Chaos Digest #1.02
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